Les exportations de blé étant perturbées par la guerre en Ukraine, des étudiants de l’Université de Kisangani se sont mis à fabriquer une pâte alimentaire à partir du manioc produit localement.
Dans cet article, Zita Amwanga, reporter chez Global Press Journal nous fait le point de l’innovation face à la carance du blé à Kisangani.
Madeleine Kombozi est âgée de 38 ans et chaque matin, son rituel est identique. Elle installe un stand en face de l’Institut Chololo, une école technique dans la commune de Makiso, au centre-ville.
Elle allume son poêle et commence à cuire des pâtes, connues localement sous le nom de spaghettis, offertes en vente aux étudiants et aux passants.
Kombozi, mère de cinq enfants, figure parmi beaucoup d’autres femmes qui gagnent leur croûte en vendant, dans les rues de Kisangani, des spaghettis, un petit-déjeuner devenu populaire chez les Boyomais (les habitants de Kisangani).
Mais il s’agit probablement de la seule personne qui prépare des spaghettis à base de farine de manioc.
Après plus de deux ans de vente d’aliments dans les rues, Kombozi s’est désengagée du spaghetti à base de blé pour se tourner vers celui à base de manioc. Et pour cause : l’invasion de l’Ukraine par la Russie a eu pour corollaire la perturbation du marché mondial des céréales et la hausse des prix.
La quasi-totalité du blé consommé en RDC est importé. Le manioc est, au contraire, largement accessible dans la région.
Kombozi se ravitaille en spaghettis à base de manioc auprès d’une petite usine de fabrication mise en place à l’Université de Kisangani par un groupe d’étudiants en biotechnologie dont l’espoir est de voir leur expérimentation contribuer à pallier la pénurie de blé.
Enabel, agence de développement du gouvernement belge, a fait don d’équipement alors que 10 étudiants travaillent en tant que bénévoles, se faisant conseiller par le Professeur Onauchu Didy.
« Je suis très fier de ces étudiants, qui ont marié l’utile à l’agréable afin de booster la présence de spaghettis dans le panier de la ménagère », dit Didy.
Chaque jour, ces étudiants peuvent produire plus de 100 paquets de 250 grammes chacun, l’acheteur déboursant 1 000 francs congolais (49 cents) pour ce genre de paquet.
À Kisangani, par contre, un paquet de spaghettis à base de blé de taille similaire se vend jusqu’à 30 000 francs (14,77 $).
« Nous fournissons déjà des spaghettis à des tenanciers de restaurants et à d’autres commerçants », dit Jonathan Sembaito, étudiant âgé de 28 ans.
Sembaito admet que le travail n’est pas une sinécure, car la production se fait entièrement à la main. « Il faut avoir le manioc de 10 à 11 mois à l’avance, puis le faire sécher au soleil, car nous n’avons pas de séchoirs », dit-il.
Le produit est emballé dans du papier importé de l’Ouganda pour lutter contre les déchets non biodégradables et atténuer la pollution de l’environnement, dit Sembaito – sans oublier des retards de livraison pouvant, eux aussi, constituer un frein au processus.
Chantal Baimoli, femme de ménage, achète des spaghettis à base de manioc et se réjouit de cette innovation :
« Cela nous permet d’avoir un spaghetti local, et je suis très fière de cela, car il n’y a pas de différence de goût. Mes enfants l’apprécient beaucoup ».
Quoique 25 kilos par jour soient loin d’être suffisants pour approvisionner une ville de 1,37 million d’habitants, les clients de Kombozi ont, à tout le moins, de quoi se réjouir. « Ils mangent sans se plaindre », dit-elle. « Ils n’ont jamais mentionné une quelconque différence entre ces goûts ».
Zita Amwanga/Globalpressjournal.com